24.6.09

7 soirs à Aldinga

Cette semaine, j'ai à nouveau tenté l'expérience HelpX, vivant une semaine à Aldinga Beach, banlieue balnéaire proche d'Adelaide. Mes hôtes, Lucie et Robert, ne se sont pas révélés aussi surprenants que Ben et Lena, les hippies des collines.
Jardinage et Microéconomie furent les deux mamelles de cette semaine cultivée, avant mon dernier examen australien. Surtout, cette semaine en bord de mer m'a permis d'apprécier les couchers de soleils si typiques de la côte sud australienne. Hiver oblige, j'étais fidèle au poste dès17h30 pour vous livrer... 7 soirs en 7 photos.









10.6.09

Op-shopping : au petit bonheur la chance

L'expression op shop est l'abréviation de opportunity shop, que j'ai envie de traduire par "magasin de la chance". Très populaires, ces boutiques tenues par des associations caritatives centralisent les dons matériels des âmes généreuses, pour les revendre à des prix souvent dérisoires. Vêtements, meubles, vaisselle, livres : on trouve à peu près de tout dans les op shop. Diverses associations et leurs volontaires gèrent ces magasins : Armée du Salut, Saint-Vincent de Paul et Croix Rouge en tête. Le plus proche de chez moi, c'est le centre d'Hawthorn, tenu par la Société Saint-Vincent de Paul.

La flexibilité pragmatique de la langue anglaise autorise l'usage du verbe op-shopping. La plupart de gens ne vont pas vraiment au op shop parce qu'ils ont besoin de quelque chose. C'est plutôt une expédition, seul ou entre amis. Les familles défavorisées peuvent se procurer des bons d'achat à dépenser dans ces centres. Mais le op-shoping n'est pas marqué socialement : il concerne aussi bien des dames chic à la recherche d'une nappe en crochet, des pères de famille qui viennent faire le plein de livres illustrés, des collectionneurs en tous genres... Ou bien des étudiants surexcités qui cherchent un costume pour aller à une soirée déguisée. "Ceux-là sont les plus drôles", raconte Patricia, 81 ans, volontaire au centre depuis un bon paquet d'années. "Vers la fin du semestre, ils viennent en bande et passent des heures à faire des essayages en hurlant de rire, ça met de l'ambiance".

En fait, il se passe toujours quelque chose au op shop. Le spectacle est dans les rayons, où s'imbriquent des objets incroyables, dont on se demande comment ils vont trouver preneur. Dans une vitrine, sir Winston Churchill affiche une moue boudeuse : 60 dollars l'assiette. Ce doit être une rareté. Deux haltères : 6 dollars. Un exemplaire relié de Pride and Prejudice : 2 dollars. Aujourd'hui, tous les vêtements portant une étiquette verte sont à un dollar (50 centimes d'euro). Un monsieur sort avec une veste, deux chemises et un pantalon : 6 dollars ! Le spectacle est aussi de l'autre côté du comptoir, où l'armada de volontaires officie. Les volontaires sont quasiment tous des mamies dynamiques, au sens de l'humour prononcé. Un type bizarre s'adresse à Patricia : "Hello young lady". Elle réplique : "Oh, you're very flattering !"

Une dame essaie de négocier les 80 dollars d'un paire de grands rideaux fleuris. Patricia tient bon : "Si vous les faisiez faire dans le commerce, ça vous coûterait 500 dollars !". L'argument fait mouche. Une autre dame, collectionneuse de robes de mariée, vient collecter sa dernière acquisition : "Je n'ai pas pu résister". Elle ronchonne en voyant qu'un bout de scotch a été collé sur le schéma descriptif de la robe. "Ça va se déchirer si je le retire !".
Dans l'arrière-boutique, d'autres volontaires réceptionnent les dons, trient les quantités d'articles plus ou moins démodés, et leur attribuent un prix. 100% de bénéfice. Il y a autant d'objets dans les rayons qu'à l'arrière, qui attendent de trouver un nouveau propriétaire. Seuls les meilleurs vêtements sont gardés, les autres seront envoyés à l'étranger en tant qu'aide humanitaire, ou au recyclage.

Dans la salle des livres, un portrait de Frédéric Ozanam est suspendu. C'est lui qui fonda la Société Saint-Vincent de Paul à Paris, en 1833. En Australie, les op shop rapportent de l'argent à la société pour financer ses actions, et créent du lien social. Il parait que le nombre de volontaires a tendance à baisser, et qu'il est de plus en plus difficile de trouver des dons de qualité. Ce n'est pas l'impression qui se dégage du op shop près de chez moi. Je sors avec un pantalon gris, jamais porté, 7 dollars au lieu de 100. Si vous venez en Australie, poussez la porte d'un op shop. Un objet, un vêtement, vous y attend.

2.6.09

Les médias australiens



A quoi ressemble l’Australie, à travers le prisme de ses médias ? En quoi reflètent-ils la société australienne ? Sont-ils très différents des médias français ? Voici quelques questions enthousiasmantes pour tout newsaholic (« accro de l’info ») qui se respecte, et merci de me les poser. Et voilà ce que je peux écrire sur le sujet, après être allé échantillonner la chose journalistique australienne au cours de mes modestes voyages et avoir suivi deux cours de media à l’université.

D’abord, les médias australiens sont tristement uniques au monde pour leur incroyable concentration : le groupe de presse qui domine le pays est News Corporation, la société du magnat Rupert Murdoch. Quasiment tous les quotidiens majeurs du pays sont la propriété de NewsCorp. Dans un tel contexte, on peut questionner l’indépendance et la pluralité de la presse australienne. Dans la pratique, chaque journal a son identité et sa ligne éditoriale propre, mais rien d’aussi marqué que les clivages qu’on peut trouver en France, entre le Figaro et Libé, pour citer l'exemple classique. En fait, les journaux sont surtout spécialisés par zone géographique. Chaque État a son quotidien, qui se focalise d’abord sur l’actualité locale. Ainsi, les Australiens sont de grands lecteurs de journaux. Lire la presse reste une pratique très populaire, peu coûteuse (70 centimes d’euros en moyenne), et qui permet de revendiquer son appartenance à l’Etat dont on est fier.
Bien sûr, on ne trouve pas autant de titres qu’en France, mais la diffusion des grands quotidiens peut laisser rêveurs beaucoup de nos journaux, alors même que les Australiens sont trois fois moins nombreux que nous ! Par exemple, le quotidien du South Australia se diffuse à 700 000 exemplaires par jour, pour une population de 1.6 millions d'habitants !

The Age est le quotidien du Victoria, c’est à mon goût le meilleur journal Australien. Sa ligne éditoriale est assez progressiste, à l’image de Melbourne. La maquette est dynamique, l’illustration soignée, la couverture des affaires internationales est convenable et les suppléments culturels de grande qualité.

The Advertiser est le quotidien d’Adelaide et du South Australia. Oui oui, the Advertiser, « le publicitaire » ! Auparavant un quotidien classique, il est passé au modèle tabloïd il y a quelques annees… Titres accrocheurs, textes courts au langage relâché, photos prédominantes, avec une affection toute particulières pour les photos posées, mises en scène. C’est l’information au ras des pâquerettes, avec des vraies gens qui nous parlent de la crise, ou de leur manière de lutter contre l’obésité. Le "Tiser" adore les faits divers, et les histoires d’animaux. Quand deux ados agressent sauvagement le vénérable flamand rose du zoo d’Adelaide, l’Advertiser n’hésite pas à en faire sa une ! Quant aux « world news », elle sont en fait principalement des pages people : Susan Boyle fait une crise de nerfs, Bruno atterrit sur Eminem, ça c’est de l’info coco !

Seul grand quotidien national généraliste (le Financial Review traite d'économie), lancé en 1964 par l’ami Rupert, le bien nommé The Australian se veut être « le cœur de la nation ». Il est en fait surtout lu par les catégories supérieures et les intellectuels (par exemple, les gens d’Adélaide qui veulent des infos décentes). Pas vraiment neutre politiquement, l’Australien prend volontiers parti pour l’économie nationale, parfois au détriment de l’écologie, plaidant par exemple pour une plus large ouverture du parc national Kakadu aux touristes... allant jusqu'à proposer une privatisation ! Sa ligne est clairement conservatrice et libérale.

Et la télévision ? L’idiot box est également très populaire chez les Aussies. Une version locale de la TNT vient d’être lancée, on trouve autrement cinq chaînes nationales. Seven, Nine et Ten sont les trois chaînes privées, très portées sur la télé-réalité, directement américaine ou transposée à la sauce Aussie. Des talks shows sous forme de quizz potaches occupent souvent la tranche du prime. Quand ces chaînes passent du cinéma, suivre le film est impossible : une minute de pub toutes les 7 minutes ! Ce rythme affolant se retrouve dans toutes les émissions, y compris les journaux. Une minute de pub, c'est vicieux : trop court pour une pause pipi.

Mes collocs ont ouvert de grands yeux ronds quand je leur ai expliqué qu'il n'y avait qu'une ou deux coupures pub lors des diffusions de films en France. Il faut préciser que les publicités en Australie sont une calamité : des types insupportables vous matraquent un numéro de téléphone à appeler pour acheter leur produit (citer directement un numéro est interdit en France).

Heureusement, deux chaînes publiques relèvent le niveau : ABC1 et SBS. ABC1 est la chaîne politique et actualité, la seule qui héberge de vrais débats (Q&A), une émission de critique des médias (Media Watch) et de la publicité (the Gruen Transfer). Mais ma préférée, c’est SBS ! SBS, c’est ARTE en plus populaire. SBS diffuse la nuit des films français, allemands ou coréens dont personne ne soupçonne l'existence (comme Foon ou Feux rouges...). Sous-titrages savoureux assurés ! La chaîne diffuse aussi les meilleures infos, très internationales (World News Australia), ainsi que des journaux télévises du monde entier durant la journée. Tous les Français d’Australie le savent : le JT de Pujadas, c’est le matin à 9h20 sur SBS !

Enfin, SBS est la seule chaîne qui ose mettre à l'antenne des présentateurs qui ne sont pas... blancs. La télévision australienne est une des plus monochromes au monde, malgré une société très cosmopolite. SBS essaie de rectifier le tir et pratique une discrimination positive extrême (quasiment tous les présentateurs sont issus de minorités ethniques), mais nécessaire.
Conclusion : en Australie comme ailleurs, il y a du bon et du moins bon dans les médias. Disons simplement qu'en Australie, le "moins bon" est souvent très mauvais !