J'aurais bien deux ou trois autres choses à raconter pour clôturer ce blog : un dernier weekend de camping à Berri, un match de football australien, et enfin deux semaines dans le Northern Territory et le Queensland... Mais la motivation est dure à trouver maintenant que je suis rentré, et que le but de communication avec les proches n'existe plus. Je laisse ce blog en sommeil, qui se réveillera peut-être...
Ce fut un réel plaisir d'écrire ici, de partager quelques visions de ce pays, de recevoir vos encouragements et réactions. Merci.
Les archives resteront à la disposition de tous. Pour ceux qui veulent en savoir plus sur Adélaïde, son université, la vie en Australie, n'hésitez pas à poser ici vos questions, en commentaire, j'y répondrai.
Cette semaine, j'ai à nouveau tenté l'expérience HelpX, vivant une semaine à Aldinga Beach, banlieue balnéaire proche d'Adelaide. Mes hôtes, Lucie et Robert, ne se sont pas révélés aussi surprenants que Ben et Lena, les hippies des collines. Jardinage et Microéconomie furent les deux mamelles de cette semaine cultivée, avant mon dernier examen australien. Surtout, cette semaine en bord de mer m'a permis d'apprécier les couchers de soleils si typiques de la côte sud australienne. Hiver oblige, j'étais fidèle au poste dès17h30 pour vous livrer... 7 soirs en 7 photos.
L'expression op shop est l'abréviation de opportunity shop, que j'ai envie de traduire par "magasin de la chance". Très populaires, ces boutiques tenues par des associations caritatives centralisent les dons matériels des âmes généreuses, pour les revendre à des prix souvent dérisoires. Vêtements, meubles, vaisselle, livres : on trouve à peu près de tout dans les op shop. Diverses associations et leurs volontaires gèrent ces magasins : Armée du Salut, Saint-Vincent de Paul et Croix Rouge en tête. Le plus proche de chez moi, c'est le centre d'Hawthorn, tenu par la Société Saint-Vincent de Paul. La flexibilité pragmatique de la langue anglaise autorise l'usage du verbe op-shopping. La plupart de gens ne vont pas vraiment au op shop parce qu'ils ont besoin de quelque chose. C'est plutôt une expédition, seul ou entre amis. Les familles défavorisées peuvent se procurer des bons d'achat à dépenser dans ces centres. Mais le op-shoping n'est pas marqué socialement : il concerne aussi bien des dames chic à la recherche d'une nappe en crochet, des pères de famille qui viennent faire le plein de livres illustrés, des collectionneurs en tous genres... Ou bien des étudiants surexcités qui cherchent un costume pour aller à une soirée déguisée. "Ceux-là sont les plus drôles", raconte Patricia, 81 ans, volontaire au centre depuis un bon paquet d'années. "Vers la fin du semestre, ils viennent en bande et passent des heures à faire des essayages en hurlant de rire, ça met de l'ambiance". En fait, il se passe toujours quelque chose au op shop. Le spectacle est dans les rayons, où s'imbriquent des objets incroyables, dont on se demande comment ils vont trouver preneur. Dans une vitrine, sir Winston Churchill affiche une moue boudeuse : 60 dollars l'assiette. Ce doit être une rareté. Deux haltères : 6 dollars. Un exemplaire relié de Pride and Prejudice : 2 dollars. Aujourd'hui, tous les vêtements portant une étiquette verte sont à un dollar (50 centimes d'euro). Un monsieur sort avec une veste, deux chemises et un pantalon : 6 dollars ! Le spectacle est aussi de l'autre côté du comptoir, où l'armada de volontaires officie. Les volontaires sont quasiment tous des mamies dynamiques, au sens de l'humour prononcé. Un type bizarre s'adresse à Patricia : "Hello young lady". Elle réplique : "Oh, you're very flattering !" Une dame essaie de négocier les 80 dollars d'un paire de grands rideaux fleuris. Patricia tient bon : "Si vous les faisiez faire dans le commerce, ça vous coûterait 500 dollars !". L'argument fait mouche. Une autre dame, collectionneuse de robes de mariée, vient collecter sa dernière acquisition : "Je n'ai pas pu résister". Elle ronchonne en voyant qu'un bout de scotch a été collé sur le schéma descriptif de la robe. "Ça va se déchirer si je le retire !". Dans l'arrière-boutique, d'autres volontaires réceptionnent les dons, trient les quantités d'articles plus ou moins démodés, et leur attribuent un prix. 100% de bénéfice. Il y a autant d'objets dans les rayons qu'à l'arrière, qui attendent de trouver un nouveau propriétaire. Seuls les meilleurs vêtements sont gardés, les autres seront envoyés à l'étranger en tant qu'aide humanitaire, ou au recyclage. Dans la salle des livres, un portrait de Frédéric Ozanam est suspendu. C'est lui qui fonda la Société Saint-Vincent de Paul à Paris, en 1833. En Australie, les op shop rapportent de l'argent à la société pour financer ses actions, et créent du lien social. Il parait que le nombre de volontaires a tendance à baisser, et qu'il est de plus en plus difficile de trouver des dons de qualité. Ce n'est pas l'impression qui se dégage du op shop près de chez moi. Je sors avec un pantalon gris, jamais porté, 7 dollars au lieu de 100. Si vous venez en Australie, poussez la porte d'un op shop. Un objet, un vêtement, vous y attend.
A quoi ressemble l’Australie, à travers le prisme de ses médias ? En quoi reflètent-ils la société australienne ? Sont-ils très différents des médias français ? Voici quelques questions enthousiasmantes pour tout newsaholic (« accro de l’info ») qui se respecte, et merci de me les poser. Et voilà ce que je peux écrire sur le sujet, après être allé échantillonner la chose journalistique australienne au cours de mes modestes voyages et avoir suivi deux cours de media à l’université.
D’abord, les médias australiens sont tristement uniques au monde pour leur incroyable concentration : le groupe de presse qui domine le pays est News Corporation, la société du magnat Rupert Murdoch. Quasiment tous les quotidiens majeurs du pays sont la propriété de NewsCorp. Dans un tel contexte, on peut questionner l’indépendance et la pluralité de la presse australienne. Dans la pratique, chaque journal a son identité et sa ligne éditoriale propre, mais rien d’aussi marqué que les clivages qu’on peut trouver en France, entre le Figaro et Libé, pour citer l'exemple classique. En fait, les journaux sont surtout spécialisés par zone géographique. Chaque État a son quotidien, qui se focalise d’abord sur l’actualité locale. Ainsi, les Australiens sont de grands lecteurs de journaux. Lire la presse reste une pratique très populaire, peu coûteuse (70 centimes d’euros en moyenne), et qui permet de revendiquer son appartenance à l’Etat dont on est fier. Bien sûr, on ne trouve pas autant de titres qu’en France, mais la diffusion des grands quotidiens peut laisser rêveurs beaucoup de nos journaux, alors même que les Australiens sont trois fois moins nombreux que nous ! Par exemple, le quotidien du South Australia se diffuse à 700 000 exemplaires par jour, pour une population de 1.6 millions d'habitants !
The Age est le quotidien du Victoria, c’est à mon goût le meilleur journal Australien. Sa ligne éditoriale est assez progressiste, à l’image de Melbourne. La maquette est dynamique, l’illustration soignée, la couverture des affaires internationales est convenable et les suppléments culturels de grande qualité.
The Advertiser est le quotidien d’Adelaide et du South Australia. Oui oui, the Advertiser, « le publicitaire » ! Auparavant un quotidien classique, il est passé au modèle tabloïd il y a quelques annees… Titres accrocheurs, textes courts au langage relâché, photos prédominantes, avec une affection toute particulières pour les photos posées, mises en scène. C’est l’information au ras des pâquerettes, avec des vraies gens qui nous parlent de la crise, ou de leur manière de lutter contre l’obésité. Le "Tiser" adore les faits divers, et les histoires d’animaux. Quand deux ados agressent sauvagement le vénérable flamand rose du zoo d’Adelaide, l’Advertiser n’hésite pas à en faire sa une ! Quant aux « world news », elle sont en fait principalement des pages people : Susan Boyle fait une crise de nerfs, Bruno atterrit sur Eminem, ça c’est de l’info coco !
Seul grand quotidien national généraliste (le Financial Review traite d'économie), lancé en 1964 par l’ami Rupert, le bien nommé The Australian se veut être « le cœur de la nation ». Il est en fait surtout lu par les catégories supérieures et les intellectuels (par exemple, les gens d’Adélaide qui veulent des infos décentes). Pas vraiment neutre politiquement, l’Australien prend volontiers parti pour l’économie nationale, parfois au détriment de l’écologie, plaidant par exemple pour une plus large ouverture du parc national Kakadu aux touristes... allant jusqu'à proposer une privatisation ! Sa ligne est clairement conservatrice et libérale.
Et la télévision ? L’idiot box est également très populaire chez les Aussies. Une version locale de la TNT vient d’être lancée, on trouve autrement cinq chaînes nationales. Seven, Nine et Ten sont les trois chaînes privées, très portées sur la télé-réalité, directement américaine ou transposée à la sauce Aussie. Des talks shows sous forme de quizz potaches occupent souvent la tranche du prime. Quand ces chaînes passent du cinéma, suivre le film est impossible : une minute de pub toutes les 7 minutes ! Ce rythme affolant se retrouve dans toutes les émissions, y compris les journaux. Une minute de pub, c'est vicieux : trop court pour une pause pipi.
Mes collocs ont ouvert de grands yeux ronds quand je leur ai expliqué qu'il n'y avait qu'une ou deux coupures pub lors des diffusions de films en France. Il faut préciser que les publicités en Australie sont une calamité : des types insupportables vous matraquent un numéro de téléphone à appeler pour acheter leur produit (citer directement un numéro est interdit en France).
Heureusement, deux chaînes publiques relèvent le niveau : ABC1 et SBS. ABC1 est la chaîne politique et actualité, la seule qui héberge de vrais débats (Q&A), une émission de critique des médias (Media Watch) et de la publicité (the Gruen Transfer). Mais ma préférée, c’est SBS ! SBS, c’est ARTE en plus populaire. SBS diffuse la nuit des films français, allemands ou coréens dont personne ne soupçonne l'existence (comme Foon ou Feux rouges...). Sous-titrages savoureux assurés ! La chaîne diffuse aussi les meilleures infos, très internationales (World News Australia), ainsi que des journaux télévises du monde entier durant la journée. Tous les Français d’Australie le savent : le JT de Pujadas, c’est le matin à 9h20 sur SBS !
Enfin, SBS est la seule chaîne qui ose mettre à l'antenne des présentateurs qui ne sont pas... blancs. La télévision australienne est une des plus monochromes au monde, malgré une société très cosmopolite. SBS essaie de rectifier le tir et pratique une discrimination positive extrême (quasiment tous les présentateurs sont issus de minorités ethniques), mais nécessaire.
Conclusion : en Australie comme ailleurs, il y a du bon et du moins bon dans les médias. Disons simplement qu'en Australie, le "moins bon" est souvent très mauvais !
Nouvelle-Zélande, seconde partie (23-28 avril) Les prévisions météo sont prometteuses, j’entame donc la Kepler track, boucle de 60 kilomètres à l’intérieur du Fjordland National Park. Des fjords, des montagnes, pas mal de dénivelé à avaler en trois jours de marche, une nuit dans une hutte et une sous la tente : voilà mon programme.
Les premiers kilomètres consistent à contourner le lac Te Anau à travers une forêt moussue percée de soleil. Des panneaux avertissent de la présence potentielle du kiwi, ce drôle d’oiseau dodu et sans ailes, emblèmatique du pays. De l’autre côté du lac, je commence à entrevoir les montagnes qui émergent de leur torpeur nuageuse. J’attaque la phase d’ascension la plus raide, qui doit m’amener 800 mètres plus haut, au dessus de la bushline, là où les arbres ne poussent plus et laissent place à des herbes folles, enneigées en hiver. Mon sac commence à peser, j’ai l’impression de trimballer sur mon dos un sanglier pour le festin du soir à la hutte. Je n’ai en fait que des nouilles séchées, haha ! (rire jaune). La démarcation attendue arrive : la vue se dégage et je découvre la vue spectaculaire sur le lac, qui s’étire en fjords ciselés par les montagnes. La Luxmore Hut où je vais passer la nuit se trouve juste un peu plus loin. Cette bâtisse de bois peut accueillir jusqu’à 55 marcheurs, pour la modique somme de… 45$ la nuit ! C’est encore la pleine saison. Le poêle à bois assure une chaleur relative dans la grande pièce centrale, mais les dortoirs restent frisquets. Avant la tombée de la nuit et à mesure que les marcheurs arrivent à la hutte, nous observons les manigances d’un groupe de Keas. Seul spécimen de perroquet alpin, le Kea a un plumage kaki mais très coloré sous les ailes. Il a aussi la réputation d’être furieusement curieux de toute activité humaine. Mieux vaut ne pas laisser trainer ses chaussures dehors.
Au matin les Keas sont toujours là, mais le spectacle a changé : une épaisse nappe de vapeur couvre le lac et la vallée. Nous sommes au dessus du fameux long nuage blanc, et le soleil n’est pas encore levé. En quelques minutes, il vient embraser la nuée et les cimes alentours.
Cette deuxième journée de marche est la partie "alpine", avec une pointe à 1500 mètres au sommet du Mont Luxmore. Le flanc des montagnes encore dans l’ombre est recouvert de givre. Le chemin devient particulièrement impressionnant lorsqu’il suit une crête large d’environ un mètre. A gauche comme à droite, la vue est plongeante. Le trajet du jour, bien qu’escarpé, n’est que de 15 kilomètres. J’ai tout le temps de m’arrêter, discuter avec les marcheurs, m’imprégner autant que possible de cet endroit. Le temps est superbe, nous sommes chanceux. Ce passage est impraticable en cas de mauvaises conditions météo. Après être redescendu à travers bois, j’arrive au Iris Burn campsite où je rencontre Mark, un Néo-zélandais qui lui aussi campe ici. La plupart des marcheurs dormiront une nouvelle fois dans une hutte, dont l’accès nous est interdit : nous avons réservé pour le camping. Mark, 25 ans, vient de l’île Nord et c’est un « kiwi » assez étonnant. Son sac pèse environ 35 kilos, il a notamment emmené avec lui deux ensembles complets de vêtements à l’épreuve de la pluie, des sacs de nourriture (saucisses, patates, pas vraiment de l’ultra light) et… son ordinateur (pour pouvoir regarder des films). That’s insaaane !
Anecdote kiwi : Mark me raconte qu’hier il est arrivé à la hutte après la tombée de la nuit, étant resté sur les sommets pour regarder le coucher de soleil. Il a couru tout le long de la descente et a débarqué dans la hutte en sueur pour demander où se trouvait le camping. Il s’est fait mettre dehors sans ménagement par le « ranger résident » furieux, qui a pensé que Mark le campeur voulait utiliser une excuse pour dormir dans la hutte. Le ranger -qui est une petite dame énergique d’environ 60 ans- lui a conseillé de planter sa tente dans la plaine… où il a pu profiter pleinement de l’humidité remontant du sol, et du gel du matin. Il est en fait plus judicieux de camper dans la forêt pour être abrité un minimum par les arbres. Se sentant un peu coupable de son coup, la ranger l’a invité le lendemain à prendre le lunch et le café dans ses quartiers. Mark lui a demandé de rester une nuit de plus gratuitement, pour repartir chercher son blouson contenant ses clés de voiture, qu’il a perdu en dévalant la montagne. Ils sont fous ces kiwis. Bientôt rejoint par un jeune couple de Britanniques suréquipés, nous installons notre campement, dans la forêt donc. Un rivière limpide est toute proche, où nous nous approvisionnons en eau. Mark nous encourage à manger autant que possible, ce sera ça de moins à porter lors de l’étape du lendemain, 25 bornes. La nuit est fraîche, et nous un peu moins pour attaquer ce dernier jour de marche. Mais la vallée est grandiose, et nous nous en extirpons finalement en milieu d’après-midi.
Après une nuit à Te Anau, Mark propose de me déposer à Queenstown. Je ne refuse pas : il me faut en effet faire route vers Christchurch, mon vol retour est dans deux jours. A Queenstown, je décide de tenter de faire du stop, une pratique plus courante en NZ qu’en Australie. Je me poste sur la route qui sort de la ville. Mark m’avait prévenu : « ce sont les touristes qui vont te prendre, il n’y a pas beaucoup de kiwis par ici ». C’est pourtant dans 4 voitures néo-zélandaise que je vais monter !
Il y a déjà un auto-stoppeur qui attend à l’endroit stratégique. Je me place un peu plus loin, et au bout de cinq minutes un couple de chics kiwis m’invite à monter. Madame m’explique qu’ils hésitaient entre mon concurrent et moi, et elle rigole quand je lui annonce qu’il attendait depuis plus longtemps : « il va se demander pourquoi on ne l’a pas pris ! ». Monsieur me raconte qu’il a assisté aux 24h du Mans dans sa jeunesse. A l’embranchement suivant, ils me déposent, et 5 secondes plus tard je monte dans la voiture de Zach. Ce lycéen habite dans le coin. Il veut étudier les beaux-arts à l’université de Dunedin l’an prochain. Il doit me déposer au bout de 10 minutes, et j’ai probablement oublié mon portable dans sa voiture.
Après 20 minutes d’attente, une Ford Falcon vintage verte s’arrête, musique à fond. Trois gars, bière à la main et surexcités, m’invitent à embarquer. La conductrice, nommée Israël, est sobre et m’explique qu’ils "ne sont pas méchants". Ils rentrent du 21st d’un ami, âge où la fête d’anniversaire est importante ici comme en Australie. Les fenêtres sont ouvertes, la route est belle. Bribes de conversation, en VO, sur fond de Metallica :
- “Tell us if you want to stop to take a picture eh !.. there will be plenty of piss stops anyway !”- “How are the girls like in France ?” - “Euh… well…” - “Are young people in France driving old cars and listening to loud music like us ?” –“Well, yes, some of them probably.” -“You know, people are not so friendly in the North island, it’s really a South island stuff. Take another beer.” -“Ooooh, we have a politician in the car !“ -“Actually I want to be a journalist“ -“That’s good to meet some locals eh ? “ -“You bet !” Ils doivent tourner vers Alexandra, et me laissent donc à la sortie de Cromwell… où un autre auto-stoppeur qui fait le pied de grue pense qu’on s’arrête pour lui. La route est beaucoup moins fréquentée, et les véhicules de location ne s’arrêtent définitivement pas, ce qui laisse peu d’autres possibilités. L’autostoppeur retourne en ville au bout d’une demi-heure. Faire du stop, c’est une histoire de chance et de patience. Je confectionne une belle pancarte et me fixe Twizel comme objectif du jour. Cette stratégie est finalement payante, et c’est à nouveau un kiwi qui s’arrête. Paul accepte de m’emmener jusqu’à Twizel, c’est avec lui que je vais faire la majeure partie de mon trajet du jour. Il rentre d’un weekend de vendanges chez des amis. Nous discutons politique, notamment des différences entre le sort de Aborigènes en Australie et celui des Maoris en NZ. Au bout de deux heures de route au milieu de montagnes pelées désertiques, me voilà à Twizel. Le Mont Cook est tout proche, la météo y est très mauvaise. Le lendemain, il pleut : je prends un bus jusqu’à Christchurch, et profite encore un peu de la ville avant de m’envoler.
Conclusion de ces deux trop courtes semaines : la Nouvelle-Zélande –en tout cas l’île Sud- est une terre spectaculaire, à la beauté remarquable. La comparaison avec l’Australie, bien plus grande et plus diverse, ne serait pas juste et n’a pas lieu d’être. Ces pays ne dégagent pas la même atmosphère. En tout cas, les kiwis du Sud sont au moins aussi sympas que les kangourous.
Nouvelle-Zélande, première partie (11-22 avril) Arriver en Nouvelle-Zélande par les airs, c’est d’abord comprendre pourquoi les Maoris ont appelé cette terre « Aotearoa », le pays du long nuage blanc. Pour rejoindre Christchurch, la ville principale de l’île Sud, je survole des crêtes rivalisant de blancheur avec leurs écharpes de vapeur. Puis, suspendues aux montagnes, ce sont les vallées interminables, creusées par les glaciers et les cours d’eau. Ces paysages sont ceux qu’on peut rencontrer dans la partie sud du pays. L’île Sud est réputée spectaculaire, avec ses sommets omniprésents, et sauvage, trois quart des 4 millions de Néo-Zélandais vivant dans l’île Nord. Vacances de mi-semestre, j’ai 17 jours pour faire le tour de l’île. Pas assez pour la découvrir en profondeur, mais suffisamment pour capter l’atmosphère – humide – de cet écrin minéral et végétal.
Je débarque donc à Christchurch, ville sœur d’Adélaïde (elles ont été planifiées et conçues de la même manière). Parcs parés des rouges et des jaunes de saison, architectures oscillant entre l’ancien et le moderne, rues piétonnes. Sur le Cathedral Square, centre de la ville, des joueurs d’échecs s’affrontent en public. La ville est tranquille, c’est le weekend de Pâques, et la cathédrale accueille en son balcon les chœur et orchestre de la ville pour une célébration rayonnante. Je prends un bus pour Picton, au nord de l’île, où je rejoins Anne et Carlo, deux Allemands avec qui j’ai pris contact sur Gum Tree. Ils ont passé un mois dans l’île Nord et cherchent un compagnon pour la suite du voyage. Ils louent un petit camping car, douche incluse, le luxe quoi. Mais bon, le prix est très raisonnable et c’est un diesel, donc c’est parti. Anne et Carlo sont sympathiques, mais pas habitués à aller crapahuter dans les parcs nationaux… ce qui est mon principal projet ! Ils recherchent « l’aventure », des expériences fortes… qu’ils trouvent principalement dans des activités organisées, chute libre, jet boat, bain de boue (!). L’industrie touristique est en expansion, ces attractions sont promues à grands frais et font le plein. Je convertis peu à peu mes compères aux joies de la randonnée, qui seule permet de fuir les cars de Chinois et les vans de fêtards pour apprécier en toute sérénité un patrimoine naturel époustouflant, photogénique à outrance. Revue, en image donc, des lieux visités.
L’Abel Tasman National Park est un parc côtier situé au Nord de l’île, connu pour ses plages et ses îlots. Nous suivons la marche côtière à travers bois puis revenons par la plage alors que le soleil se couche et que les montagnes se teintent de violet. Des hérons et des cormorans font mine de ne pas nous voir. Changement de décor au Nelson Lakes NP, un peu au Sud à l’intérieur des terres. Nous grimpons vers Mount Robert pour admirer la vue sur le lac Rotoiti, serti d’une impressionnante barrière de montagnes. On trouve un peu de neige au sommet. Un hélicoptère effectue des rotations au dessus de nos têtes, charriant de la terre pour redessiner le chemin. Cette marche va bientôt faire partie des « Great Walks », un ensemble de grandes randonnées populaires et garanties sans mauvaises surprises. Le nombre croissant de marcheurs oblige les autorités à investir dans ces chemins : un mauvais sentier entraine une dégradation de l’environnement, les marcheurs mal chaussés contournant la piste quand elle est boueuse, ce qui crée plus de boue, etc. Le Kahurangi NP est immense mais assez confidentiel. Une petite dame d’un centre de visiteurs paumé nous indique la route qui mène au départ de la Wangapeka Track. La «dirt road» rétrécit de plus en plus, nous emmène au fond d’une vallée bordée de gigantesques murailles montagneuses. Le chemin suit la rivière Wangapeka. Nous repérons une grosse truite. Laroute de la côte ouest est réputée splendide, et humide. Deux jours de pluie ininterrompue s’abattent sur « Horst », notre camping car. La mer est déchainée, des cascades spontanées dévalent sur le bord des routes. Que d’eau ! La Nouvelle-Zélande, surtout comparée à l’Australie, c’est un festival aquatique, l’eau sous toutes ses formes : neige, glace, nuages et brumes, fougères ruisselantes, mousses imbibées, embruns, pluie, torrents, fleuves gonflés, c’en est presque fatiguant. Nous apprenons que la route qui mène aux glaciers est coupée, « washed out » à cause de la pluie. Nous attendons une demi-journée à Hokitika, la route est à nouveau ouverte sur une voie, et nous constatons qu’un morceau s’est effectivement effondré.
Franz Joseph Glacier. Le premier des deux glaciers iconiques de l’île Sud. Nous nous embarquons dans une marche assez épique, sur le pan de montagne qui flanque le glacier. Nous franchissons en tout 43 cours d’eau, du fleuve au ruisseau, la plupart spontanés, faisant suite aux pluies. Parfois c’est le chemin qui se transforme en rivière, ou l’inverse, on ne sait pas trop. Après trois heures de grimpette, la vue sur le glacier est imprenable. Puis il faut revenir en sens inverse (oui, c’est là qu’on a compté, 43).
Le Fox Glacier est assez différent de son jumeau. La paroi rocheuse vertigineuse qui le borde lui vole presque la vedette. Nous nous rendons au pied du glacier, d’où s’écoule un torrent charriant de gros glaçons. Carlo et Anne vont carrément toucher le glacier, ce qui est assez idiot, puisque c’est à cet endroit que la glace fond, parfois se détachant en pans entiers. Mais bon, c’est « l’aventure ». Wanaka est une ville assez charmante, sise au bord d'un lac majestueux. Nous y faisons une pause de deux jours. C’est l’occasion d’aller voir un film au « Cinema Paradiso », assez original puisque les sièges sont des canapés de recup'. Il y a même une voiture dans la salle. Wicked ! La Pisa Conservation Area est juste un stop sur la route vers Queenstown, mais au bout d’une heure de marche nous sommes au sommet de Rock Peak, comme au milieu de nulle part. Ambiance rocailleuse et herbes séchées, montagnes à perte de vue, grand silence et faucons qui tournoient . Ca y est, je suis Légolas. Bon, ok, je suis un hobbit bondissant. Queenstown est une ville bétonnée très laide, peuplée de jeunes gens effrayants et autoproclamée « capitale de l’adrénaline ». Anne et Carlo veulent y passer quatre jours pour faire la fête, je comprends qu’il est temps qu’on se sépare. Mon projet est de faire la Kepler track, une randonnée alpine de trois jours, dont le départ se situe à Te Anau. Mes Allemands me déposent sur place, on se dit tschuss, je prépare mon sac dans une auberge de jeunesse de la ville en discutant avec… trois Allemandes. Promis, je vais essayer de rencontrer quelques « locaux ».
Le mois de Mars a été celui de la reprise des études. Ce semestre, j'ai de nouveau quatre cours : microéconomie, politique comparée, médias et changement social, allemand. Des profs charismatiques, et des débats plus intéressants qu'au premier semestre.
Je vis à nouveau dans la maison des colocs, qui se disent qu'ils devraient voyager un peu en Australie eux aussi. J'étais finalement content de retrouver cette maison, l'ambiance relax, le défilé permanent. Et puis mes colocs ne sont jamais avares d'un coup de main : Ryan a changé en 30 minutes l'alternateur de la voiture, m'épargant une réparation d'au moins 300 dollars.
Le grand défi du mois fut justement la vente de la voiture. Je l'ai montrée à pas mal d'acheteurs potentiels (trois Allemands, trois Allemandes, deux Québécois, trois Français et une Française, deux Gallois...). Ça fait des rencontres, certes. Les heureux élus sont un jeune couple d'Américains.
Le mois de Mars, à Adelaide, c'est le mois des festivals. L'Etat de South Australia est connu pour ses grands rassemblements : la devise inscrite sur les plaques d'immatriculations est d'ailleurs "SA, the festival state". La Fringe est le deuxième plus grand festival d'arts au monde, après celui d'Edimbourg. Pendant trois semaines, c'était un foisonnement de musique, théâtre, danse, expos... Fin Mars, la ville a accueilli le festival du film français, et j'ai pu voir deux films.
Les vacances de mi-semestre sont vite arrivées. Je sais, c'est un rythme effréné. Je serai en Nouvelle-Zélande du 11 au 28 Avril !