19.11.08

Deep Creek Conservation Park (9–14 novembre 2008)


Dimanche. A 17h30, mon car arrive à Cape Jervis, à la pointe de la péninsule de Fleurieu, après deux heures de trajet. Je ne vais pas vers Kangaroo Island, comme le font la totalité des touristes du bus. Je vais marcher dans le Deep Creek Conservation Park, un morceau de nature préservée, sur la côte, pas très loin de Victor Harbour. Je suis curieux de voir ce que ça va donner, Bibi seul pendant cinq jours dans le bush australien…
Ce challenge promet d’être intéressant et ressourçant, c’est ce que j’espère en m’engageant sur la « Heysen Trail », qui débute ici. Cette piste est une sorte de GR très réputé, qui longe la péninsule avant de s’enfoncer dans les terres, jusqu’aux Flinders Ranges. Il faut environ soixante jours pour parcourir ses 1200 kilomètres. Certains la font en entier, la plupart, comme moi, y marchent pour un ou quelques jours, bien contents de suivre les panonceaux rouges réguliers qui évitent de se perdre. Le chemin borde la côte, les herbes folles dorées s’étalent jusqu’à la mer bleu sombre, qui blanchit en s’écrasant sur des rochers noirs.
J’ai jusqu’au coucher du soleil pour m’avancer autant que possible vers Deep Creek, mais je sais que je n’attendrai pas le premier camping du parc, situé à 12 km de Cape Jervis. Les collines blondissent à mesure que le soleil descend. Les kangourous sont les sentinelles de ces lieux. J’en surprend plusieurs, qui détalent à force de bonds souples et puissants. Après avoir traversé un marécage tapissé de lys blancs, où croassent des grenouilles invisibles, je plante ma tente à flanc de colline, un peu au dessus de la mer. Deux phares brillent sur Kangaroo Island, qu’on peut apercevoir au loin. Je me couche à 21h, un peu après le soleil.


Lundi. Lever à 6h30. Après un ou deux kilomètres, je franchis le panneau indiquant l’entrée du parc. Comme Stef et Emilie me l’avaient expliqué, il y a là une plage paradisiaque, Blowhole Beach. C’est une crique de sable blanc, à l’eau turquoise, encadrée de rochers perforés par l’érosion. Pas un chat. Je vais piquer une tête. Comme lundi matin, j’ai connu pire. Il n’est que 8h, le soleil est déjà haut, l’air est chaud, l’eau est fraîche.
Je reprends ma route, avec pour projet de suivre la Heysen Trail le long de la côte. Au tournant du chemin, je vois un serpent brun déguerpir dans le bas côté, alors que j’étais à 1m50 de lui. Cette vision me refroidit un peu. Certes, il a fuit en me sentant arriver, les serpents ont peur de toute vibration et n’attaquent que s’ils se croient menacés… Les risques de morsure sont très minces. Mais voilà, je suis seul, et il n’y a évidemment pas de réseau portable. Je fais demi-tour, en décidant d’éviter de marcher dans les herbes hautes.
Des kangourous, encore et toujours... Voilà un cliché sur l'Australie qui, décidement, se vérifie.
Dans le milieu de l’après-midi, je rejoins le Eagle Waterhole Shelter, un abris mis à disposition des marcheurs. Il y a là six matelas de planches, une table, et surtout un gros réservoir à eau de pluie. Cette eau est bien sûr bonne à boire, même meilleure que l’eau du robinet. Les environs de la hutte sont plaisants, très tranquilles.
La colline d’herbe rase qui domine l’abris est garnie de yaccas, sortes de palmiers nains, emblématiques de Deep Creek. Je monte sur la colline admirer le coucher de soleil, faisant fuir des kangourous par dizaines. En prenant le dîner (pain, saucisson, beurre de cacahuète), je reçois un visiteur du soir, un imposant kangourou qui n’a pas l’air de trop se soucier de moi. Vidéo !


Mardi. Laissant mon lourd sac à la hutte, je pars explorer la Aaron Creek Hike, qui va jusqu’à l’océan. 5,5km aller-retour, c’est loin d’être énorme. Seulement une « hike » ce n’est pas comme une « trail », c’est plus sportif. Je dois me frayer un chemin dans une forêt vierge dense. Je zigzague entre les yaccas, les eucalyptus, franchissant souvent le ruisseau d’eau claire qui coule au fond de la crique, profitant aux fougères et aux lys.
Après un peu de grimpette, j’accède à une crique de galets, bordée de mille-feuilles de pierre, sur lesquels de grosses vagues viennent puissamment se briser. Je m’essaie à une baignade dans une sorte de jacuzzi naturel, puis passe l’après-midi à bouquiner en cherchant l’ombre. Deux dauphins passent devant l’entrée de la baie. Un bateau chargé de touristes passe dans un sens, puis dans l’autre.
Vers 17h, je prend le chemin du retour. Au sommet de la colline pierreuse que je dois monter pour repartir, je me rend compte que mon portable capte. Je reçois un sms de la bibliothèque, m’informant que le guide de la Heysen Trail est maintenant disponible ! De retour au camp, j’observe le ballet des kangourous qui vont boire dans une mare, quand j’entends un grand « CRAAACK… PLOF ». Un eucalyptus vient de tomber, menaçant d’écraser un kangourou, qui a sauté à temps pour l’éviter.

Mercredi. Le temps se couvre. Je me lève tôt pour rejoindre un camping distant de 5km. Le chemin pour y accéder est pénible, il me faut monter et redescendre deux criques(« Deep Creek », c’est pas pour rien), avec mon sac imposant qui se prend dans les branches . Je rencontre un marcheur de la Heysen Trail, qui en est à son avant-dernier jour de marche (sur 54). Il me parle de la nuit qu’il va passer à l’hôtel de Cape Jervis, du petit déjeuner qu’il va prendre, de la nice beer qu’il va boire en arrivant… et d’autres trucs que je n’ai pas compris car il avait un accent horrible, étant originaire de Darwin, au nord de l’Australie. Après avoir planté ma tente, je fais deux marches, une vers une cascade assez proche, et une dans la fameuse crique profonde qui a donné son nom au parc. La nuit est très venteuse : je me lève pour replanter les sardines de la tente, et m’aperçois que je suis entouré de kangourous, qui broutent paisiblement.

Jeudi. C’est le jour où je dois revenir sur mes pas, pour m’approcher de Cape Jervis. Je dois en effet prendre le bus vers Adelaïde vendredi matin, ayant un examen l’après-midi. Je prend des chemins différents pour revenir, vers les terres, pour éviter de refaire un tour de montagnes russes.
Je passe la plus chaude partie de l’après-midi à Blowhole beach (on ne s’en lasse pas), puis reprend la Heysen Trail vers Cape Jervis. Vers 18h, je vois un aileron, puis deux, puis cinq, fendre la mer.
Des dauphins nagent en formation serrée, en suivant la côte. Je suis tout joyeux, je cours le long de la plage rocailleuse, sautant de rocher en rocher, toujours avec mon sac sur le dos, en essayant de prendre une photo convenable. Les dauphins vont vite, mon appareil a un petit zoom, pas évident.
J’approche de Cape Jervis et trouve un endroit ou poser ma tente. Je réalise que je suis suivi par beaucoup de mouches aujourd’hui. Elles étaient là tous les autres jours, mais aujourd’hui c’est carrément un essaim de mouches. Oui oui, chaque point sur la photo ci-dessous, c'est une mouche de mon escorte personelle. « Il y a des mouches sur mon sac ».


Vendredi. Je prends le bus à 9h30, et cette fois le chauffeur n‘oublie pas de me faire payer. Je révise l’examen « d’anglais professionnel » que je dois passer cet après-midi. C’est aussi l’heure des conclusions sur ces quelques jours passés seul into the wild. Je n’ai bien sûr pas été déçu par la beauté des paysages, et de la flore et la faune locales. Je ne me suis jamais ennuyé. Mais j’aurais eu l’esprit plus tranquille en marchant avec quelqu’un, et cela m’a manqué de ne pas pouvoir partager ces moments (même si je le fais rétrospectivement en écrivant cet article). J’ai pensé à ceux, en France où ailleurs, que j’aurais aimé faire apparaître d’un coup de baguette magique. La prochaine fois que je tente ce genre d’aventure, je m’y prendrai plus tôt pour embarquer quelqu’un avec moi. Ceci dit, le faire seul était aussi intéressant, c’était une expérience différente.
Pour la petite histoire, mon examen s’est bien passé !

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Ouah! comme ça fait rêver...
Après scpo, si tu as une année entière à me consacrer, on se prend une année de visa vacances-travail! Tu nous manque aussi mon ptit benoît! on ne va plus te reconnaitre quand tu reviendra!
Enormes bisoouuss

Anonyme a dit…

Salut, Benoit, contente de lire tes écolos aventures, pleines de kangourous et de poésies, avec de si belles photos, j'ai eu grand plaisir à prendre ainsi des nouvelles de toi.
par rapport à mantes la jolie et à l'ile de france, c'est assez dépaysant!
Je suis dans la douce et frisquette bruine de la région, dans la crise qui s'est abattue sur l'Europe, dans... un roman que je suis en train d'écrire, Amitiés. Avec mon meilleur souvenir, grosses bises, Dominique Pélegrin

Dominique de Sailly a dit…

Cher Benoit, je lis avec délices ton blog, j'aime bien l'ambiance, tes photos, tes remarques fines et bien écrites ! j'ai justement un des personnages du roman que j'écris qui a un peu explosé et est parti en voyage, je me demande si je ne vais pas l'envoyer sur tes traces en australie.... je t'ai déja mis un message hier, et je vois qu'il n'est pas passé, peut être parce que tu es trop occupé pour lire tes messages
en tout cas ça me fait vraiment plaisir d'avoir de tes nouvelles comme ça, amitiés, Dominique P

Aurelipie a dit…

Salut Benoît,
Je suis super contente pour toi que tu puisse profiter de l'Australie comme tu le fais. La prochaine fois, je suis partante pour une petite rando... Ici ou ailleurs.
Pour ma part, je découvre que la vie en école ce n'est pas autant de glande que promis. dommage...
Bonne continuation et à bientôt
Aurélie

sophie a dit…

coucou l'australien!
bon apparemment, tu ne t'embêtes pas... ça fait plaisir à voir! (surtout sur la vidéo ^^)...
Sur ce, contente d'avoir eu de tes nouvelles, je t'abandonne à tes mouches pour ne pas aller réviser mon partiel de demain :)
bisous