21.3.09

Tasmanie, le tour d’une île (1er au 11 Février)

Pour l’automobiliste peu averti, Melbourne est un cauchemar. Sens uniques, panneaux lacunaires, tramways… Je manque de rater le ferry, et pourtant j’avais prévu large. Me voilà à bord du « Spirit of Tasmania II», il est 9h et les gratte-ciels s’éloignent lentement. La Tasmanie se mérite : la traversée durera jusqu'au soir. Après deux heures de navigation paisible le long des côtes, on attaque la pleine mer, et la croisière ne s’amuse pas. La moitié des gens rassemblés avec moi dans le petit cinéma de la poupe ne sont pas là pour les films (à base d’animaux bavards), mais pour tenter de garder contenance.

J’embrasse mentalement la terre ferme à Devonport, notre débarcadère, je franchis le Rubicon et rejoins le Narawntapu National Park. Sur la route poussiéreuse qui mène au terrain de camping, j’apercois un wombat à l’air bonhomme. Mon premier wombat ! Encore un marsupial inconnu au bataillon, me direz-vous, et pourtant les wombats sont légions en Australie. Un wombat, c’est une sorte de petit tank en fourrure, ça n’y voit pas à un mètre, c’est drôle comme tout.

Toute l’eau du ciel tombe sur la voiture durant la nuit, je ne regrette pas ma tente. Le climat Tasman est océanique, il pleut un jour sur trois. La Tasmanie est le plus petit des sept États australiens. Les Australiens continentaux se moquent un peu des Tasmans, disant qu’ils sont consanguins et qu’ils ont parfois deux têtes, mais c’est faux bien sûr. Moins d’un demi million de personnes vivent sur cette île où on ne transige pas avec la préservation de l’environnement. C’est ici que sont nés les Verts Australiens, dans la Franklin River.


A la bibliothèque de Launceston, je retrouve une amie de Sciences Po, étudiante à Sydney, qui va m’accompagner dans la première partie du trip, vers le sud en passant par les montagnes. Mélissa est une vraie citadine, et en sa compagnie je me rappelle que la vie des routes et des forêts ne va pas de soi. Beaucoup de fous rires en perspective. Je lui apporte ma connaissance (exponentielle) de la faune locale. Elle m’apporte l’éponge, la semoule et le milk shake, améliorant sensiblement mon quotidien jusqu’ici fait de pâtes, de riz et de vaisselle au doigt. Au volant, elle est Starsky, je suis Hutch.



Notre première destination est Cradle Mountain, icône locale, nichée dans un ensemble de parcs classés au patrimoine mondial naturel. La route qui nous y mène est de toute beauté, des nuages bas rayent les montagnes. Nous trouvons un petit Conservation park moussu où passer la nuit. Dans son arbre, un possum bien gras nous observe. Le possum, c’est encore un marsupial tordant, croisement d’un chat et d’un écureuil, qui vit en ville comme dans le bush.


Nous voilà au bord de Dove Lake, le miroir dans lequel se reflète la fameuse montagne ciselée. Nous entamons l’ascension de Hawson Peak, la pente est raide et on s’accroche à des chaînes pour grimper. Très vite, le point de vue est époustouflant, il y a des lacs de tous les cotés. On s’engage sur face track, le chemin qui souligne la montagne. Mélissa m’attend à un croisement en bouquinant, tandis que je vais voir à quoi ressemble le chemin vers le sommet. Et là, c’est le drame. Malentendu, nous nous croisons sans nous voir. On se retrouve quelques heures plus tard sur le parking, non sans avoir mis à contribution les nombreux marcheurs croisés, y compris un espèce de Français qui trouve très drôle que je cherche une blonde perdue dans la montagne.


Nous explorons durant les jours suivants la côte ouest, notamment les gigantesques Henty dunes, 30 kilomètres de sable brûlant. A Strahan, petit port sympathique, nous sommes mis à contribution dans une pièce de théâtre pittoresque, « The ship that never was », qui met en scène une évasion de forçats tasmans vers le Chili. On me donne le rôle du grand père, et Mélissa incarne un chat avec conviction. Ça nous change de Molière.

Nous passons deux jours aux alentours du lac Saint Clair. Temps humide, mais nous faisons quelques randonnées dans les « forêts de pluie ». A Frenchman’s Cap, je croise un Tiger Snake somnolant, roulé en boule. Nous rencontrons un autre serpent, au ventre jaune, sur le chemin de Shadow lake. On parle de Sciences Po, de masters, de nos amis respectifs, pour oublier un peu toute cette nature angoissante. Au camping, la douche chaude coûte un dollar, les voyageurs Israéliens et Allemands sont bruyants et Mélissa fait du thé Norvégien, au gingembre et au miel. Oui, la Tasmanie, parfois, c’est un peu la Norvège.



Le soleil nous revient à Hobart, la charmante capitale de l’Etat, où se déroule le Wooden Boat festival. 500 bateaux de bois sont rassemblés dans le port, les fanions flottent au vent, ambiance familiale. Nous prenons la route vers Cockle Creek, l’extrême sud de la Tasmanie et donc de l’Australie. Une marche vers South Cape Bay nous mène sur des falaises noires, sur lesquelles les vagues turquoises viennent s’écraser. Un orage passe au large, c’est le spectacle. Nous campons deux nuits sous un arbre géant, avec les wallabies miniature locaux appelés Pademelons.

Mélissa a 20 ans, on mange un mille-feuille, et des pancakes le lendemain matin (parce que c’est encore son anniversaire en France). Un détour par le Hartz Mountain NP, dans la brume et le froid. C’est l’heure de rejoindre Hobart, nous passons une soirée au cinéma, à déprimer devant Revolutionnary Road. Je dépose Mélissa à l’aéroport. Ma mission de demain : trouver de nouveaux compagnons de route pour la côte est.

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