8.3.09

Les Alpes australiennes, piste verte (30 Décembre 2008 - 31 Janvier 2009)

Il y a des Alpes en Australie, je pense que c'est un scoop. Plusieurs parcs nationaux répartis dans le Victoria et le New South Wales forment un ensemble alpin, regroupant quelques unes des plus belles montagnes du pays. Avec Stef et Nanie, deux compères du road trip des Flinders, nous avons sillonné ces contrées pas énormément populaires à cette période (les australiens viennent y skier l'hiver). Alors que l'été est au plus chaud, nous prenons de la hauteur pour arpenter les chemins des sommets et barboter dans les torrents. Il serait laborieux de vous raconter dans le détail ce mois de road trip, mais voici un petit inventaire. Certaines des photos sont l'oeuvre de Stef, merci ! Et si vous voulez plus d'Alpes, allez donc farfouiller sur son blog.

Deux mille neuf. Alors que nous avons quitté Adelaide depuis quelques jours, nous faisons escale au Langi Ghiran State park, sur notre route vers les Alpes. Une boîte de foie gras est rescapée du colis gastronomique de Noël, que nous dégustons à belles dents. Certainement mon nouvel an le plus insolite à ce jour, au milieu du bush, sous les étoiles et les cris des kookaburras (gros martins pêcheurs et rieurs, un emblème national. "Ils ont deux pattes", précise Nanie). 2009 arrive, on a un peu d'avance sur la France, ce qui nous fait beaucoup rire, à moins que ce soit le vin. Le lendemain, la première surprise de 2009 sera un koala en bas de son arbre, croisé lors d'une petite escapade hors-piste.
Fougères. Je découvre peu à peu les forêts du Victoria, un Etat bien différent de ma South Australia. L'eau est abondante, permettant une explosion de vert. Des fougères arborescentes grandes comme des palmiers poussent au bord des rivières, le climat est tempéré. Dans la State forest de Daylesford, un cours d'eau glacé dévale une pente de rochers moussus. Un bain de pieds express s'impose.
Mécanique. Notre fidèle Ford Falcon tient plutôt bien la route, malgré son âge avancé. Dès le début du trip, elle nous donne cependant quelques sueurs froides. La batterie fait des siennes. Nous avons besoin d'un "jump start" à l'aide de pinces croco à deux reprises au cours du mois. Heureusement, les australiens sur quatre roues motrices sont sympas et bien équipés. A Buxton, nous perdons notre pare-choc arrière. Oops. Une carrossier arrangeant refixe la pièce à coup de vis et de boulons, "façon neopunk", dixit Emilie. Il nous remplace une ampoule en prime, et pour pas un rond, pas un seul. Quand je vous dis qu'ils sont sympas !
Cathédrales. Une longue ascension nous mène sur l'imposante crête rocailleuse du Cathedral Ranges National Park. Les vues sur les vallées environnantes sont majestueuses. En chemin, nous croisons un lézard mâchouillant une libellule, et des oiseaux lyres, reconnaissables à leur queue panachée de beige et de brun. Le soir, nous tentons d'apercevoir des ornithorynques dans la rivière proche du camping, sans succès. J’ai appris récemment que ce parc avait été entièrement dévasté par les incendies du 7 Fevrier 2009, date qui restera connue comme le "Black Saturday". Ces "bushfires", véritables boules de feux alors que les températures et le vent étaient au plus fort, ont fait 210 morts dans le Victoria. Certaines villes que nous avons traversé, comme Buxton ou Marysville, ont été rasées par les flammes. L'Australie a connu peu de drames humains et écologiques de telle ampleur, le deuil est national.

Tire-fesse. Notre premier contact avec les Alpes est la route tortueuse qui mène à Mount Buller, une station de ski censée nous donner un accès au parc national. Erreur, à Mount Buller il n'y a que Mount Buller, une ville morte, hors saison, avec chalets modernes mais sans camping. La nuit tombe, nous décidons de camper... sur les pistes ! Au matin, des montagnes bleues se déroulent à perte de vue. C'est une vision à laquelle nous allons peu à peu nous habituer. Une autre Australie, encore une autre.

Glider. Ce petit marsupial nocturne est quasiment impossible à observer. Pourtant, un soir, entendant du bruit dans l'arbre qui surplombe ma tente, je sors la tête. Un carré noir fend le ciel, et atterri dans un arbre avoisinant, dans un léger bruit d'écorce froissée. Ma torche révèle un animal de la taille d'un chat, qui me fixe de ses yeux réflechissants. Son dos est noir, son ventre est clair. Il peut planer en étendant une membrane qui relie ses pattes avant à ses pattes arrières. Je n'ai pas pu prendre de photo, mais un glider, ça ressemble à ça : (Yellow-bellied Glider, Joel Winter DEC)

Paradise. Dans la chaleur de nos journées, les flèches sur la route qui indiquent des cascades nous font de l'oeil. Un petit détour par Paradise Falls, chute d'eau bien nommée ! Un ruisseau se jette dans vingt mètres de vide, la douche est tonifiante. Tout au long du voyage, de nombreux cours d'eau deviennent nos terrains de jeu, qu'on taquine la truite ou qu'on fasse des ricochets. La déception n'en est que plus grande quand le lit des rivières est vide.
Bogong. Le Mont Bogong culmine à 1986 mètres, ce qui est raisonnable mais suffisant pour en faire le plus haut sommet du Victoria. Notre ascension débute au fond de la vallée, la pente est raide et la route n'est pas droite. Dans la forêt, nous observons un gang de Gang-gang cockatoos, des perroquets gris à tête rouge. Plus haut, la vue sur la vallée se dégage : les flancs des montagnes sont recouverts d’arbres nus, blancs, conséquence d'incendies passés. Le sommet est parsemé de fleurs, on savoure un lunch avec vue (voir la première photo du post).

Huttes. C’est un peu la marque de fabrique des Alpes Australiennes. Le magazine Australian Geographic leur a même consacré son dernier dossier. Les huttes sont des vestiges de la vie des premiers colons qui ont habité ces montagnes. Toits de tôle, parois de rondins, tables et tabourets polis par mille gestes : les huttes sont généralement très bien conservées par diverses associations. Elles sont aujourd’hui des refuges pour les randonneurs, qui racontent des anecdotes dans les “vistors books”. Aux murs, parfois, des journaux jaunis racontent les préoccupations d’un autre temps.

Affres. Nos tentes made in China achetées pour une poignée de dollars font les frais des montages/démontages répétés. Les arceaux cassent, on arrange des atèles avec des branches souples, ce qui donne aux tentes des airs de sculptures néo-surréalistes. Les orages alpins mettent à l’épreuve l’imperméabilité des toiles : on se retrouve une nuit à dormir à trois dans la voiture, une autre à camper au sec dans les toilettes spacieuses du Namadgi National Park. Dans le Victoria, le froid est vif au matin. Sous des chaleurs dépassant allègrement les 40 degrés, la vie de camping n’est pas des plus agréables, à l’heure où il faut quitter les bibliothèques climatisées. Et que dire des assauts répétés des insectes, au Lakes National Park, par exemple. Au ballet crépusculaire des dauphins et des pélicans succèdent les escadrons de moustiques, alors que nos bières sont à peine entamées. Dur, non, vraiment.


Kosciuszko. C’est le plus haut sommet australien (2228 m), et c’est aussi le nom du parc national qui l'abrite. Une randonnée hors-piste nous mène au milieu de blocs rocheux imposants, surplombant les vallées alentours. On pense à l’Irlande, au Seigneur des Anneaux, on pense que c’est grandiose et désert. Au sol, le crottin des brumbies, les chevaux sauvages qui habitent les lieux. Pas un seul à l’horizon, hélas. Quelques jours plus tard, c’est l’ascension du Mont Kosciuszko, après une nuit de camping qui a vu des gouttelettes de glace se former sur nos tentes. Des eaux pures dévalent les pentes pelées, c’est ici que la Murray River, plus grand fleuve australien, prend sa source. Notre chemin contourne des lacs verts, abris d'une minuscule truite de montagne. Des australiennes réchauffées nous dépassent en petite foulée. Puis c’est le sommet, colonisé par une espèce introduite commune, le touriste fainéant. Nous avons emprunté une boucle de 20 bornes pour arriver au point culminant, mais il y a aussi un téléphérique !

Canberra. La capitale a mauvaise réputation, taxée de ville ennuyeuse peuplée de fonctionnaires. Bon, c’est vrai que les messieurs et dames en costume, portable vissé à l’oreille et badge autour du cou sont légion dans les rues. Mais la ville est plaisante à vivre, selon Stef qui a vécu ici. Nous y passons deux jours, le temps pour moi de visiter des musées nationaux et le Parlement. Surtout, Canberra a la chance d’être toute proche de l’étonnant Namadgi National Park, un vrai concentré d’Australie. Vallées d’herbes jaunes sous un ciel d'orage, d’innombrables kangourous, peintures aborigènes à même la roche, forêts denses, cacatoès “à crête de souffre”... Un festival.

Brumbies. Dans le Kosciuzko National Park, sur une route traversant une plaine, Stef s’exclame : “les brumbies !”. A flanc de colline, il y a en effet une vingtaine de chevaux sauvages. On sort de la voiture, on s’élance à travers les herbes hautes, on traverse un marécage en sautant sur les touffes d’herbe. Les chevaux sont juste là. Bientôt ils remarquent notre présence, se mettent à galoper. On court aussi, ils passent juste devant nous. Ils disparaissent derrière la colline, le chef de troupeau restant quelques secondes sur la crête pour nous toiser. Comme c’est étrange de voir des chevaux vivre en troupeau, avoir le comportement d’une meute. Ils ont été introduits par les colons, mais maintenant ils font partie du folklore australien. Les brumbies causent cependant des dégâts d’errosion, ont de gros besoins en eau, entrent en concurrence avec la faune native… “They are pest”, nous dira plus tard un campeur australien. Mais quand même, des chevaux sauvages, ça frappe l’imagination. Vidéo !

Magic. Les trous d’eau de Blue waterholes sont vraiment bleus, encore une couleur étonnante que prend l’eau des torrents dès que la profondeur est suffisante. L'eau est glacée, comme nous pouvons le constater en traversant la rivière, sur le chemin d’une randonnée qui nous mène au fond d’une gorge spectaculaire. Le défilé rocheux se termine par une cascade, en contre-bas. Après ce retour dans le Kosciuszko NP, nous en sommes convaincus, les Alpes recèlent bien des trésors cachés.

Le road trip s'achève à Melbourne pour Stef, qui rentre à la Réunion, et pour Nanie, qui va voyager un peu avec sa mère avant de rentrer en France. Pour moi, la route continue en Tasmanie. Je vous retrouve dans le ferry.

2 commentaires:

Unknown a dit…

Petites précisions qui me titillent, si je puis me permettre :
* le climat du Victoria n'est pas semi-tropical, mais tempéré
* Cathedral Range State Park (et non Cathedral NP ;))
* c'est une ampoule qu'il nous a remplacé gratos, pas une bougie (à mon avis ça aurait été moins gratuit ça !)

Ca m'a fait plaisir de te lire, l'article est joliment structuré !

Benoît a dit…

Arf, je fais les modifs tout de suite, mon petit Gimini Cricket ! Merci !